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Procès des attentats du
13-Novembre : « On n’a pas pu se défendre », regrette un commissaire qui était au Bataclan sans son arme | LCI

By 11 octobre 2021novembre 28th, 2023Actualités
Bataclan

Photo : iStockphoto

JUSTICE – Arnaud, 44 ans, commissaire de police a déposé ce lundi devant la cour d’assises spéciale de Paris. Il était au Bataclan le 13 novembre 2015, mais n’avait pas son arme.

C’est dans un fauteuil roulant qu’il s’est approché de la barre ce lundi. Cet accessoire, Arnaud ne le quitte plus depuis 2015. Commissaire de police dans l’Eure, cet homme aujourd’hui âgé de 44 ans était venu passer le week-end du 13 au 15 novembre 2015 à Paris avec sa femme, elle aussi commissaire. Au programme notamment : le concert des Eagles of death metal au Bataclan le vendredi soir.

« À l’époque, j’étais armé en permanence mais pas ce soir-là car le cadre légal ne me le permettait pas, explique le policier. Quand les islamistes sont entrés dans la salle, on s’est retournés, on a vu trois individus armés, qui se sont répartis de chaque côté de la fosse. Un terroriste nous a expliqué que s’ils étaient là, c’était à cause de ce que notre Président avait fait en Syrie. Ensuite, ils ont tiré dans le tas. Ceux proches d’eux sont morts instantanément je pense ».

« Ils ont tiré dans le tas »

Comme d’autres, Arnaud prend une balle. « Je l’ai sentie me traverser, c’était comme si mes jambes flottaient. J’ai dit à ma femme que j’étais touché, que j’étais cuit. J’ai eu un moment de désespoir, j’ai dit à mon épouse de venir sous moi. Même si je savais que les balles de kalachnikov me traverseraient et que ça serait inutile. Elle a refusé. « Le commissaire est certain d’avoir vu ensuite l’un des terroristes « sourire », et rejoindre l’un de ses comparses.  « J’ai dit alors aux autres : ‘Ils se barrent, tirez-vous ! Tirez-vous !’. D’autres ont dit des choses similaires. Toute la salle s’est vidée en un éclair. On n’a pas eu le temps avec ma femme de se dire adieu ». Selon lui commence ensuite « la deuxième phase du massacre de masse, après les rafales dans le tas ». Arnaud fait le mort.  » Mon témoignage ne remonte alors que sur ce que j’ai entendu. Des tirs au coup par coup, des gens exécutés. Je savais très bien comment allait intervenir la police, pour moi ce serait trop tard ». 

Le commissaire pense à ses proches, à ses enfants, à son enterrement. « Je savais que j’étais cuit. J’ai entendu l’explosion. Je ne voulais pas en plus me prendre une grenade en me faisant éventrer. J’ai tenté une sortie en rampant. » Mais Arnaud reste bloqué dans l’escalier qu’il emprunte. « J’ai commencé à paniquer. Je n’avais aucun moyen pour me défendre ». Il voit le sang, les corps autour de lui, puis des policiers arrivent. « J’ai compris que ce n’était pas des groupes d’intervention », fait-il remarquer.  Arnaud leur décrit la situation, le nombre de terroristes présents dans la salle, leurs armes, avant d’être évacué par ses « collègues de salut ». 

Les accusés ? « Des lâches et des pleurnichards »

Pris en charge par les pompiers, Arnaud est conduit à l’hôpital de Percy. « Là, j’ai failli flancher » admet-il. « J’ai pris une balle dans le dos, quand j’étais couché sur des gens morts ou vivants, je ne sais pas. Je suis paraplégique depuis, totalement (…) J’ai dû avoir dix opérations, ce qui est peu par rapport à d’autres. J’en ai encore une de prévues. C’est mon parcours de blessé médullaire ».Le commissaire n’a plus de sensibilité dans les jambes mais ressent par contre des maux terribles. « Il a fallu procéder à une chirurgie destructrice pour apaiser des douleurs », explique-t-il. S’adressant à la cour, il précise : « Je vous dis ça car j’ai entendu un des accusés geindre sur ses conditions de détention. Moi, je me bats du matin jusqu’au soir contre la douleur. Je suis ulcéré d’entendre des lâches qui ont tiré sur des innocents se plaindre. En plus d’être des lâches, ce sont des pleurnichards ». Qu’attend Arnaud de ce procès aujourd’hui ? Selon lui, « la cour peut sauver des vies ». « Pour moi c’est cuit, ceux dans le box sont irrécupérables. Mais ceux qui ont fourni un soutien logistique ne sont peut-être pas irrécupérables. Et il faut passer un message dur à ceux qui sont dehors et qui pourraient être amenés à filer un petit coup de main à des types comme eux. »

Avec le débat sur le port d’arme, le ton monte

Me de Montbrial, avocat d’Arnaud, interroge son client sur le fait qu’il n’avait pas son arme sur lui ce soir-là. Il lui demande si selon lui, avec son pistolet, les choses se seraient passées autrement. « Pour moi, plus il y a de policiers et de gendarmes qui portent leur arme hors service, plus il y a de chance de neutraliser les terroristes », assure le fonctionnaire. Il rappelle que le commissaire de la BAC75N et son collègue, premiers à être intervenus ce soir-là ont neutralisé l’un des terroristes et sauvé des vies, dont la sienne très certainement.« J’ai pas eu ma chance, on s’est fait massacrer. On n’a pas pu se défendre et ça je le vis mal », lâche Arnaud car selon lui, avec son arme il aurait « pu se défendre et défendre les autres ». La partie civile conclut sur ses mots.

Me Martin Mechin, avocat de l’accusé Ali El Haddad Asufi, souhaite alors faire une observation. « Je trouve dommage que ce procès soit instrumentalisé pour servir une cause politique. On sait très bien depuis des années quel est le combat de Me de Montbrial », s’agace la robe noire. Me Marie Violleau, avocate de l’accusé Mohamed Abrini le rejoint. « N’est-on pas en train d’ajouter du drame au drame. Le débat politique n’a rien à faire ici », pointe Me Violleau.  Le président hausse le ton : « C’est vous qui avez amené le débat politique ici ». Sur les bancs de la défense, ça ne passe pas.  Me Mechin fait de nouvelles remarques que Jean-Louis Périès, le magistrat qui préside ce procès, n’apprécie guère. Il menace d’avoir recours au bâtonnier.À la barre, Arnaud tente d’apaiser les débats. « Je ne suis dans aucun débat politique. Je dis ce que j’ai vécu, ce que j’ai pensé. Je suis policier depuis 15-20 ans, je sers mon pays. Que me reprochez-vous ? », demande-t-il alors aux avocats de la défense. « Rien », répond  calmement Me Mechin. L’audience doit reprendre mardi, à 12h30.

Source LCI