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Procès de l’attentat de Strasbourg : Me Lara Fatimi plaide pour les policiers parties civiles qui ont abattu le terroriste

By 29 mars 2024Actualités
Strasbourg cathédrale marché de noel

Crédit : Pexels

Après un mois d’audience, les avocats des parties civiles ont plaidé au procès de l’attentat du marché de Noël de Strasbourg. Ils ont rappelé la souffrance des victimes de l’attaque et ont refusé de croire qu’Audrey Mondjehi ne pouvait ignorer le projet de Chérif Chekatt.

Après une semaine d’interrogatoire, où les quatre accusés du procès de l’attentat de Strasbourg ont occupé les débats, les victimes sont revenues au premier plan ces 28 et 29 mars 2024. Elles avaient témoigné deux semaines plutôt, dans les sanglots, les larmes, parfois les remords. A la barre, une soixantaine de victimes avaient raconté leur soirée du 11 décembre 2018 et le cauchemar qu’elles ont vécu dans les jours, semaines et mois qui ont suivi.

Vingt-cinq de leurs avocats se sont fait leurs porte-paroles au moment de plaider. Ils sont d’abord revenus sur les événements du 11 décembre au soir. « Il est 20h et déjà cinquante coups de feu sont tirés. La vie s’est arrêtée, les commerces ont fermé. Dans les rues, on saigne. Pendant 48h, l’ombre de la mort va envahir Strasbourg parce qu’un individu armé, dangereux est là. On ne sait pas où, mais il est là. Il peut surgir », entame Catherine Szwarc, avocate de 100 parties civiles, qui plaidera pendant près d’une heure.

« Le cœur de Strasbourg s’arrêtera de battre jusqu’au 13 décembre à 21h. Alors elle compte ses morts. Un… Deux… Trois… Quatre… Cinq… », énumère lentement l’avocate d’une voix calme. « Mais derrière ces chiffres, il y a des familles, des vies brisées, des rêves anéantis. Du côté des parties civiles, il ne faut pas trop secouer les robes noires. Parce qu’elles sont pleines de larmes. » La grande majorité de ces victimes vivent en Alsace. Difficile de suivre tous les jours de ce procès. Pour les plaidoiries, une trentaine d’entre elles sont revenues sur les bancs de la salle « Grands procès » de la cour d’appel de Paris. En quête de réponses, elles écoutent leurs conseils se prononcer sur les quatre accusés. Surtout sur Audrey Mondjehi, le seul à avoir des charges terroristes contre lui, accusé d’avoir permis à Chekatt d’obtenir l’arme qui servira à répandre le chaos dans le centre-ville strasbourgeois. Pendant son long interrogatoire, le rappeur a assuré tout ignorer de la radicalisation de Chérif Chekatt. « Il avait une tâche de piété sur le front, allait rappeler à son frère devant le collège de bien faire sa prière, faisait la morale à tout le monde. Et cet homme, qui était tout le temps avec Audrey Mondjehi aurait tout dissimulé ? Dissimulé quoi ? », demande Catherine Szwarc en haussant la voix. « Il savait que Chérif Chekatt était radicalisé, attaché aux symboles religieux. Il savait qu’il allait passer à l’acte », abonde Monique Blanchard, qui représente Julien, poignardé au ventre par le terroriste. « Il est bien le seul de l’agglomération strasbourgeoise à ne pas avoir compris cette radicalisation et on a du mal à le croire. Chérif Chekatt ne pratiquait pas la taqiya. Il n’était pas dans la dissimulation. Ni dans sa pratique radicale, ni dans ses intentions », ajoute Marc-André Ceccaldi. La veille, l’avocat du principal accusé Michael Wacquez lui avait demandé s’il n’était pas « le couillon de service« . S’il plaidera le mercredi 3 avril, sa ligne de défense est claire : Mondjehi était bête, il n’a rien vu et voulait juste rendre service. Inaudible pour Catherine Szwarc qui rappelle qu’un psychologue avait parlé de l’accusé comme quelqu’un d’intelligent mais aussi manipulateur. « Quoi de meilleur manipulateur que celui qui essaie de se faire passer pour un imbécile ? », s’émeut-elle.

Lara Fatimi, qui représente les trois policiers qui ont tué le terroriste, compare la posture de Mondjehi aux trois singes. « Il n’a pas voulu voir, n’a pas voulu entendre et ne nous a rien dit sur ce qu’il sait, sur la vérité, celle qui nous occupe aujourd’hui. » 

Pour Arnaud Friederich, la théorie du « trop bon trop con » n’est qu’une « histoire ubuesque »« Il a voulu noyer mais c’est lui qui a coulé, qui s’est perdu dans les flots de ‘je ne sais pas, je n’ai rien vu, j’ai oublié’. » « Pas d’arme, pas d’attentat, pas de morts. » Cette phrase est souvent revenue pendant ce mois de procès. « Cet attentat n’est pas un hasard. Il est dû à une succession de comportements irresponsables », fait savoir Monique Berthelon en référence à Mondjehi mais aussi à Christian Hoffmann, Stéphane et Frédéric Bodein, qui comparaissent pour association de malfaiteurs« Ce n’est pas du tout le procès des lampistes. Ils ont tous, de manière matérielle, un lien direct avec la commission de l’attentat », note Marc-André Ceccaldi. À la fin des plaidoiries, Emmanuel Spano a tenu à rappeler sa foi en la justice française, évoquant les sorts réservés au principal accusé des attentats du 11 septembre 2011, inapte à être jugé en raison des tortures qu’il a subi, ainsi qu’aux terroristes qui ont frappé Moscou récemment. « La réponse qu’on doit donner ne doit pas être la réponse américaine ou russe. […] Comment répondre à la violence par la violence ? Notre procès a un enjeu évident. Celui de rétablir ce lien social que le terrorisme cherche à faire disparaître. »

Pendant tout ce mois, les absences de Chérif Chekatt et d’Albert Bodein, trop malade pour suivre les audiences, ont souvent frustré. « Chekatt est mort et ne sera jamais jugé. On dit que les morts gouvernent les vivants. Il est temps que les vivants reprennent le dessus », lance Pascal Créhange.

Son confrère Claude Lienhard a conclu sa prise de parole par une note d’espoir. Sur ce moment où -s’il n’y a pas d’appel- tout s’arrêtera après le verdict du 4 avril. « De façon presque rituelle, les victimes attendent que justice soit rendue. Derrière, ce qui est attendu, c’est d’ouvrir sur un espoir et un après. […] Le terrorisme ne doit jamais annihiler l’espoir. C’est votre cour qui aura à le rappeler et qui aura à restaurer cet espoir. » Cette journée et demie de plaidoiries s’est conclue par les mots d’Arnaud Friederich. Pour terminer sa plaidoirie, il a choisi les mots du poète gallois Dylan Thomas. « L’obscur est un chemin, la lumière est un lieu. La lumière, c’est Strasbourg au-dessus de laquelle continueront de briller cinq étoiles qui ne s’éteindront jamais. »

Source : France Info